Vendredi 21 décembre 2012
Intervention d’Amaury Breuille sur le budget
Le groupe des élus EELV a choisi de voter le budget, mais je ne vous cache pas que, cette année, nous avons beaucoup hésité avant de prendre cette décision.
Les raisons, vous les connaissez pour l’essentiel puisqu’il s’agit quasiment des mêmes domaines sur lesquels nous avions déjà exprimé des réserves l’an passé. Les choses se répétant nous avons cette fois, nous semble-t-il, un devoir d’alerte.
Notre première cause d’inquiétude c’est le constat d’un désengagement sur la politique de mobilité.
C’était, depuis la piétonisation, un enjeu important de notre action.
La mobilité nous l’avons identifié collectivement dans tous nos documents cadres comme un des enjeux majeurs de réussite ou d’échec de notre territoire. D’ailleurs, j’ai bien noté qu’au dernier conseil municipal, lorsque sont venus en débat les difficultés de circulation automobile, la majorité municipale était à l’unisson et très convaincante pour expliquer à l’opposition – qui semblait avoir du mal à l’entendre ! – l’importance essentielle de développer les mobilités douces et les transports en commun comme alternatives à la voiture et insister à juste titre sur le fait que c’était le seul moyen crédible de faire face aux besoins de déplacements dans les années à venir.
Comment comprendre que ce diagnostic très juste et ces intentions clairement affichées ne se traduise pas dans le budget?
Or, cette année, pour la première fois, nous n’inscrivons au budget aucun crédit pour développer des aménagements cyclables et aucun crédit pour des zones apaisées. De sorte que, dans son ensemble les budgets des politiques de mobilité se trouvent très réduits.
Je vais illustrer ces choix avec l’exemple du cyclable. Il faut rappeler d’où nous venons : d’abord d’un constat en 2008 d’un retard et d’un besoin très fort d’aménagements cyclables pour les déplacements domicile-travail. L’engagement que nous avions pris dans notre programme c’était de réaliser sur le mandat un réseau de liaisons entre les quartiers et le centre-ville, ce qui représentait environ 500 k€ par an d’investissements. Très rapidement, dès 2008, on a choisi d’étaler cet engagement sur deux mandats plutôt que sur un seul ce qui était effectivement plus raisonnable et aurait nécessité 250k€ par an.
Or, chaque année du mandat, il a fallu se battre pour garder au budget parfois 100K€ ou 150k€ parfois 80k€, jamais on n’a atteint les 250k€ prévu, mais jamais non plus nous n’avions été à zéro.
C’est un peu désolant parce que la politique cyclable, ce n’est pas anecdotique. A l’échelle d’une ville comme Niort, on ne peut pas raisonnablement penser la mobilité en oubliant le cyclable.
Réussir à convaincre une partie des niortais de renoncer assez régulièrement à la voiture au profit du vélo, c’est enlever un certain nombre de véhicules du flot de circulation et contribuer à éviter les engorgements. On ne peut pas demander aux niortais de faire ces efforts sans assurer la sécurité de ce mode de déplacement.
Le second point de préoccupation, c’est le niveau d’entretien du patrimoine.
C’est particulièrement flagrant pour les investissements courants sur les espaces publics, puisque les deux derniers budgets celui pour 2012 et celui pour 2013 sont les deux plus faibles de la décennie passée.
Or les investissements courants sur les espaces publics, c’est quelque chose d’essentiel, c’est l’action de proximité auprès des habitants.
Je sais bien que certains de mes collègues m’objecterons qu’on investit globalement beaucoup sur les espaces publics lorsqu’on cumul le centre-ville, l’ORU, etc… Mais ces opérations majeures existaient tout autant au début du mandat sans que cela justifie de couper dans les budgets d’investissements courants.
Et puis surtout, même s’il s’agit dans un cas comme dans l’autre d’investissements en espaces publics, ce sont des investissements qui ne concourent pas aux mêmes objectifs : pour le centre-ville il s’agit de redonner de l’attractivité à Niort, pour l’ORU il s’agit de bouleverser la perception des quartiers d’habitat social. C’est très important, mais ce n’est pas la même chose que d’assurer l’entretien des rues et on ne peut pas compenser l’un par l’autre.
On peut aussi avoir la tentation de se dire que c’est un budget qui n’est pas stratégique : personne n’a envie de dépenser pour maintenir le patrimoine : ce ne sont pas des choses qui se voient beaucoup. Et dans le fond, est-ce que ça fait partie de nos objectifs politiques ?
Alors juste deux éléments d’éclairage là-dessus :
Primo : oui, ça fait partie de nos objectifs politiques, parce que refaire les trottoirs, par exemple, c’est permettre à des gens qui ont du mal à marcher (parce qu’ils sont âgés ou pour d’autres raisons) de pouvoir sortir de chez eux, être autonome, avoir un peu de sociabilité. Donc c’est être solidaire avec les plus isolés (et c’est bien distinct de la question de l’accessibilité pour les PMR).
Secundo : quelle économie réalise-t-on en inscrivant pas en dépenses d’investissements des réfections de voiries ou d’ouvrages d’arts qui sont pourtant nécessaires ? Et bien on ne fait en réalité aucune économie puisqu’on ne fait que décaler dans le temps une intervention à laquelle on ne pourra de toute façon pas échapper.
Pire : en reportant ces travaux on génère des surcoûts importants parce que lorsqu’une voie n’est pas suffisamment entretenue ou réparée, c’est ensuite la structure même qui est touchée et cela peut facilement générer des couts 2 fois, 3 fois supérieurs.
Le problème est du même ordre pour l’entretien du patrimoine bâti. De même que pour les espaces publics, nous avions fait, pendant la campagne municipale, le constat d’un certain nombre de carences dans l’entretien de notre patrimoine bâti.
Comme pour le cyclable, nous avions probablement été emporté par notre enthousiasme lorsque nous avions envisagé de réhabiliter deux groupes scolaires par an. Nous avons dû renoncer à un objectif aussi ambitieux et c’est compréhensible. Mais il nous semble que l’investissement dans les écoles doit absolument rester une des priorités de notre équipe de gauche…
Malgré ces points importants de divergences, je soulignerai qu’ont pu être sauvées deux lignes budgétaires qui nous paraissaient importantes, à savoir le maintien d’une ligne accessibilité PMR et l’inscription des études pour la future école de la Mirandelle. Preuve que nos discussions ont parfois été fructueuses. Et sur ce point je rends hommage à l’arbitrage final que vous avez rendu Madame le Maire.
Enfin, troisième et dernier point, s’agissant de la politique de développement durable et notamment de l’Agenda 21, la démarche a été lancée il y a 4 ans, elle a été participative, et a permis d’adopter un texte de référence définissant notre stratégie de développement durable.
C’est évidemment très vaste le développement durable et ça ne se réduit pas à l’environnement, mais on peut quand même souligner qu’il y a un domaine où nous sommes incontestablement en pointe, c’est la biodiversité. Là-dessus on peut s’adresser un satisfecit collectif.
Pour le reste, le résultat du travail avec les services et les partenaires a été riche et il est temps que l’on passe des budgets d’étude, et d’animation de projet à des budgets de mise en œuvre de notre politique de développement durable. Ce n’est pas encore le cas sur cet exercice 2013.
Or nous avons très probablement des besoins conséquents et urgents, en particulier dans le domaine des économies d’énergies. Il nous faut investir très vite avant d’être pris à la gorge par la hausse des coûts de l’énergie… et l’on voit bien que ce point recoupe (au moins en partie) le précédent sur l’entretien du patrimoine bâti.
Voici donc l’ensemble de nos points de divergence qui portent tous, vous l’avez remarqué, sur les investissements.
Sur la mobilité et l’entretien du patrimoine il faut rappeler que nous ne demandons pas de crédits supplémentaires par rapport à ce qui se faisait en moyenne sur le début du mandat par exemple, mais simplement de limiter la baisse des crédits.
Malgré cela, nous nous sommes efforcés de faire nos propositions en maintenant le cadre budgétaire prédéfini pour 2013.
Par exemple pour éviter cette année de devoir tailler de façon trop drastique les budgets d’investissements courants nous avons proposé de réduire à la marge, de façon pérenne, notre budget évènementiel et culturel.
En effet, alors que tous les autres budgets de fonctionnement sont aujourd’hui extrêmement contraints, le budget évènementiel et culturel a connu une augmentation très forte depuis le début du mandat, passant d’environ 2M€ à plus de 4 M€. Il est donc possible de réaliser quelques économies sans remettre en cause les objectifs principaux de la politique culturelle, mais simplement en étant un peu plus sobre dans un certain nombre d’évènements.
Cette proposition n’a pas abouti et c’est dommage.
Voilà. Il était important pour nous de poser sur la table en toute clarté ces difficultés.
Il est tout aussi nécessaire de rappeler qu’à côté de ces trois points importants de divergence, il y a aussi toute la masse des choix sur lesquels nous sommes d’accord avec les orientations réaffirmées dans le budget 2013 : par exemple la poursuite des opérations du cœur de ville et de l’ORU ou le maintien d’une politique sociale très fortement dotée (et là aussi nous sommes en pointe sur certains dossier comme la tarification sociale de l’eau).
De même, si l’on regarde la période 2008-2011, qu’on pense à la piétonisation à la Brèche au secteur Donjon/Halles, à l’ORU, au travail sur la biodiversité : tout cela nous l’avons dit avec clarté dans la campagne municipale et nous l’avons fait et c’est un motif de satisfaction collective pour toute notre équipe municipale. Et c’est assez énorme !
Bref, notre position n’est pas une remise en cause de ce que nous avons su faire ensemble depuis le début du mandat. Au contraire c’est un appel à revenir à nos fondamentaux.
Une fois tous ces constats faits, avec les points positifs et les points négatifs, c’est difficile de définir une position de vote qui est forcément un choix un peu binaire alors que l’appréciation est nuancée. Ce qui nous a guidé, et qui est vraiment essentiel dans l’appréciation de la situation, c’est que les trois difficultés que nous pointons n’ont pas de conséquences graves immédiates. La mobilité, l’entretien du patrimoine, la stratégie de développement durable : ce sont des choses qui produisent des effets à moyen et long terme.
Ce n’est pas tout à fait la même chose que si nous avions un désaccord sur un projet important que vous voudriez mener.
Mais cela veut aussi dire qu’il ne faut pas que ces écarts demeurent au fil des années car cela aboutirait à ce que nos caps soient différents. Cela veut donc clairement dire qu’il est difficile d’envisager un budget 2014 qui reproduirait la tendance de ce budget 2013.
Je pense cependant que c’est un diagnostic que vous partagez au moins partiellement Madame le Maire puisque vous nous avez dit être bien consciente de la réalité des besoins que nous vous avons exprimé et même envisager de rectifier le budget en ce sens en cours d’année si l’exécution budgétaire nous le permet. Et même si nous aurions préféré que ce soit le cas dès le budget primitif, c’est une ouverture qui serait appréciable.
J’en déduis que, si nos choix immédiats divergent, nos analyses de fond sur la situation ne sont peut-être pas si éloignées. Du moins, c’est ce que j’espère !
Nos différences ne sont ni négligeables, ni indépassables, mais cela ne justifie pas à ce jour la fin de notre majorité et c’est pourquoi nous choisissons de voter ce budget primitif.
Bref sachons mesurer ce qui nous sépare et travailler à le réduire,… sans considérer pour autant que ce soit la fin du monde.